Je le reconnais au loin. Il pleut un peu, je suis en retard, la faute aux talons de 12 sur lesquels je chemine.
Mon rencard n’a pas osé rentrer dans le bar. Il m’attend sous la pluie qui lui aplatit les cheveux, il est un peu plus petit que je ne l’imaginais.
Un peu plus petit, un peu moins beau, et le cheveu qui se raréfie sur le devant, là, où j’hallucine? Pour un homme de 30 ans, je lui trouve une petite mine.
Nous nous installons à une table. Musique, entrainante, pointue et sexy. Clientèle branchouille, blasée et pointue. Mon rencard affiche un sourire en coin et une belle assurance. Sa pupille vrille mon décolleté.
« Rien de sérieux » a-t-il coché sur son profil. Ok, rien de sérieux, ça me va. Je n’ai pas envie de m’appesantir dans une relation en ce moment.
Mais alors……. pourquoi me parle-t-il de son travail, de son assistante, de la moto qu’il s’est achetée? Du taux super bas qu’il a négocié pour son appart’, parce que tu comprends, c’est une bête en montages financiers. Plus il parle, moins je le trouve sexy. Il n’a plus grand-chose à voir avec les photos de son profil, soudainement. Il est passé où le beau gosse au regard de braise que je comptais bien emballer ce soir? C’est quoi, cette chemise, et ces pompes de clampin, alors que moi je galère sur mes escarpins ?
Il s’imagine peut-être que parce qu’il est socialement « bankable », il n’a pas besoin de soigner sa mise, et que s’il rentre un peu le ventre, ça va passer. Ce garçon compte un peu trop sur l’érotisme de son potentiel en tant que gendre idéal et navigue allègrement sur les malentendus. Et je vois bien comment ça marche. Je vois bien comment certaines filles peuvent tomber dans le panneau. S’imaginer partir en week-end sur la moto. Laisser sa brosse à dents dans l’appartement. En l’occurrence, ni lui ni moi ne sommes ici pour cela. Et si je me suis traînée dans ce bar sur mes échasses, c’est parce qu’on m’avait promis l’aventure, le frisson, le scandale.
Du coup je pique du nez dans mon Perrier. L’ennui mortel. Lui qui avait tellement peur que je m’emballe. Vraiment, l’excès de confiance est un mal qui afflige pas mal d’hommes sur les sites de rencontres. Ils nous sentent prêtes à succomber, avant même de les avoir rencontrés. Et ils nous demandent, avant même la première rencontre :« Tu recherches quoi ici ? ». LA fameuse question, qui prélude au fameux refrain du «parce-que-je-te-préviens-je-ne-veux-rien-de-sérieux». Avant le couplet final, quand même, histoire de laisse une petite lueur d’espoir: «Enfin, on n’est jamais à l’abri d’une belle histoire». Personnellement, je ne me suis jamais sentie autant à l’abri, là, assise à cette table. En attendant, je baille discrètement dans les bulles, trouve une excuse et file.
« Alors, la cougar de l’autre soir ? » demande le pote.
- Rien. Elle ne répond même plus à mes textos. Et j’ai payé l’addition.
- Ah oui. L’arnaque de base ».
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