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  • Photo du rédacteur Claire Brull

Sororité 2.0

Dernière mise à jour : 21 mai 2020



Je n’ai pas de sœur. Pourtant, le mot sororité résonne en moi et j’en entends l’écho un peu partout, sur la toile, dans les journaux, à la télé.


Il est vrai qu’avec l’ampleur du mouvement #metoo, il nous fallait un mot autre que fraternité pour désigner la solidarité féminine. Fraternité. Un terme bien noble à première vue, inscrit sur le fronton de nos mairies, mais si clivant finalement. N’aurions-nous pas pu choisir un terme englobant les frères et les sœurs pour parler de solidarité ? D’entraide ? D’amitié ? Faudrait-il comprendre que ces qualités d’âme soient l’apanage des hommes ? Ou que le sentiment de fraternité ne puisse s’étendre aux individus du sexe féminin ?

« Tu es vétilleuse », me rétorque-t-on : « fraternité doit être pris au sens large…. Il s’applique à tout le monde ». Mouais.


En 2017, on nous disait pourtant tirées d’affaire. L’égalité entre hommes et femmes, on l’avait non ? Voter, bosser, et faire ce que l’on veut avec ses cheveux, que demander de plus ? Se dire féministe vous faisait courir le risque de passer pour une femme aigrie et chagrine.

Sauf que… les actrices qui ont parlé du harcèlement et des viols qu’elles ont subis ont provoqué chez un grand nombre de femmes une prise de conscience de leur condition : non, ce que nous vivions n’était pas normal. Non, ce que nous vivions n’était pas juste. Nous nous étions juste habituées au scabreux. Lorsque le mouvement #Metoo a vu le jour, je me suis dit que j’étais assez chanceuse, que je ne me faisais pas harceler si souvent dans la rue.

« Enfin, songeais-je, à part l’autre jour, le taré qui m’a suivie jusqu’à chez moi alors je rentrais de soirée. Et il y a deux semaines, l’exhib’ qui m’a dévoilé son anatomie flasque dans la rue ».

Abasourdie, je me rendais compte finalement des multiples occurrences de harcèlement dont j’étais victime et dont je ne faisais plus cas tellement elles s’inscrivaient quotidiennement dans ma vie. Mon cerveau se contentait de hausser les épaules et de classer tout ça sans suite. En 2017, donc, la parole s’est libérée et nous avons pu nous rendre compte que nous étions toutes dans la même galère, qu’il fallait s’épauler et qu’il y avait encore du chemin à parcourir.

Sororité donc. Je suis contente d’entendre ce mot. Dans l’imaginaire collectif, les femmes sont toutes rivales. Emilie Ratajskowski se pointe dans le bar ? Les sourires se crispent. Une collègue ose le décolleté avec la mini-jupe? On s’adonne sans vergogne au slutshaming. Et même la plus magnanime d’entre nous a un jour ou l’autre souhaité la combustion spontanée d’une bombe en short.


Alors, quid de la sororité? Les femmes sont-elles rivales ou solidaires ? Sommes-nous tantôt l’un, tantôt l’autre selon les circonstances ou le moment de la journée? D’ailleurs Pour quelle raison se crêperait-t-on le chignon en 2020? Une promotion ? Un poste de PDG ? Une place de parking ? Mouais, pas sûr qu’on en soit là. Il me semble que la plupart du temps, l’objet des rivalités entre femmes, ce sont les hommes. Et certains se font un malin plaisir à mettre de l’huile sur le feu.

Diviser pour mieux emballer. Cultiver la jalousie de l’une pour flatter l’égo de l’autre. Nous placer en position d’objet de désir, et non en personne désirante. Quelle habile tactique : attiser la rivalité entre les femmes permet de détourner leur attention. Est-ce que je trouve vraiment désirable cet homme qui vient me décréter que je suis plus mignonne que ma copine ? La drague est un combat !


Un combat, oui c’est indéniable. Pour les hommes mais aussi pour les femmes. Dans leur majorité, les femmes sont prêtes à tout pour s’extraire du célibat, car on leur a mis dans la tête que leur vie ne serait accomplie que si elles passent par la case vie de couple et maternité. Se trouver un compagnon, faire des enfants. Coûte que coûte. Bien souvent, ces ambitions domestiques surpassent le reste et ces enjeux gouvernent nos vies : c’est à l’aune de ces paramètres que l’on juge la réussite féminine. Célibataire, sans enfant à 40 ans ? Ça en fait trembler plus d'une! Ainsi, comment s’étonner que dans cette course, les femmes se perçoivent mutuellement comme des rivales potentielles, des adversaires à évincer pour capter l’attention du mâle.


Quelle place alors pour la sororité dans tout cela? Pour ma part, je déplore que la sororité se manifeste en pointillé, dans les moments de célibat, de doute ou de faiblesse et qu’une fois installée dans un couple qui marche, les femmes se détournent de leurs amies. Comme si l’amitié entre femmes ne leur est pas essentielle, qu’il s’agisse d’un pis-aller en attendant de trouver « le bon ». Cela m’attriste de constater que la sororité a surtout des accents victimaires. Bien sûr qu' il faut s’épauler entre femmes dans les moments de fragilité. Mais ne nous détournons pas les unes des autres quand tout va bien. Soyons soeurs quelles que soient les circonstances. 

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