George Clooney a toujours été mon idole.
Entendons-nous bien, ceux qui me lisent commencent à savoir que ce n'est pas mon type d'homme.
Non, quand je dis que George est mon idole, je veux dire par là que je lui piquerais bien sa vie: d'abord, il est riche. C'est un plus, indéniablement. Et surtout, cela fait trente ans que toutes les femmes lui courent après et qu'on le considère comme l'un des hommes les plus séduisants de la planète. Il a beau avoir les cheveux gris ("poivre et sel" me souffle-t-on), et des valises de la taille de mon appart' sous les yeux, George est un tombeur. C'est bien simple, un sourire de sa part, et tout le monde se fout à poil.
Quand je me suis séparée de mon compagnon, je me suis dit que j'allais m'inspirer de George pour mener ma nouvelle vie.
J'avais vécu la majeure partie de la trentaine en couple. J'avais été séduite par le charme ombrageux de mon voisin, et après quelques semaines de drague maladroite, nous étions tombés dans les bras l'un de l'autre.
Vite, nous nous étions mis en ménage, à mon initiative d'ailleurs. J'avais envie de tenter l'aventure du couple avec mon nouveau copain, partager son quotidien, faire des projets sur la comète.
Vite, également, la vie avec lui est devenue pesante. La logistique, la planification des vacances, les tâches ménagères, cadeau! C'était pour moi. Je commençais à flairer l'arnaque.
Je restais pourtant. Entre deux averses, on s'entendait bien. On rigolait beaucoup. Et il était beau. A vrai dire, j'adorais débarquer à son bras chez des amis. Aux yeux des autres, je me sentais validée: j'étais avec un homme bien, intelligent, à la situation stable. J'étais dans la norme. Il y avait bien quelques rabat-joie pour nous rappeler que tant que nous n'avions pas d'enfants, on comptait un peu pour du beurre.
Mais au moins, j'échappais la catégorie des femmes célibataires de plus de trente ans, celles dont personne n'avait voulu. Avec le recul, j'admets que la peur de rejoindre le rang des vieilles filles me dissuadait de partir. Je serais prête à parier que George, lui, n'a jamais été confronté à cette crainte.
Les tensions dans mon couple se durcissaient. J'avais désiré cette situation pourtant, j'en étais même à l'origine. D'ailleurs, quand je me plaignais, mon mec sortait son joker: c'était mon idée à la base, non? Qu'on se mette en ménage? Le couple est un projet féminin, et il fallait que j'assume, maintenant.
Quel exquis paradoxe, vraiment! C'était donc cela la règle du jeu? Est-ce ainsi que cela fonctionne? Il me semble bien que oui: ce sont les femmes qui appètent se mettre en couple, qui redoublent d'ingéniosité afin de "passer la corde au cou" de monsieur, pour au final se faire arnaquer lamentablement sur le ménage, les gosses, et le reste.
Quelle logique mystérieuse pousse donc les femmes à désirer une situation qui leur est objectivement défavorable? Pourquoi aspirer à se « caser » quand on sait que c’est aux femmes qu’incombent encore très majoritairement les tâches ingrates, que ce sont sur leurs épaules que reposent la gestion des basses besognes ? Est-ce par dévouement pur? Les femmes ont-elles la conscience altruiste et le sens de l’abnégation chevillés au corps?
Visiblement, ces qualités me font défaut, car je me prenais à rêver d'une vie peinarde, en solo dans la garçonnière que j'aurais décorée à mon goût. A la George. Avec un canapé en cuir sur lequel j'inviterais mes conquêtes à s'asseoir pour faire plus ample connaissance. Je trouvais cette perspective de plus en plus enviable, comparée à ce que ce que serait mon lot, si je restais avec mon conjoint et que je nous nous décidions à faire des gosses.
Parallèlement, je voyais mes amies, les unes après les autres, se mettre sérieusement en couple, tomber enceinte. devenir mères. Et j'avais du mal à trouver cela formidable. Certes j'étais ravie pour elles, mais je ne pouvais m'empêcher de remarquer à quel point leur vie devenait moins légère, plus compliquée, moins.... bien. N'étais-je pas censée moi aussi, désirer cette vie de femme "rangée" plutôt que de m'imaginer dans des scénarios clooneysques? Etais- je normale? Etait-ce bien raisonnable?
Au final, à mesure que j'avance en âge, je me dis que la véritable folie consiste plutôt à céder à la pression sociale, et à se mettre dans une situation qui ne va pas dans notre intérêt. Certaines de mes amies ne comprennent pas mes décisions. Elles sont passé de l'autre côté de la barrière. Je vois bien que leur cerveau a changé, une fois qu'elles ont accouché. Leur priorités ont évolué, et même si elles se plaignent de la fatigue, du poids de leurs nouvelles charges, et bien souvent il faut le dire, de l'impéritie de leur compagnon, l'amour qu'elles portent à leur enfant leur rend leur nouvelle vie endurable. Elles ne voudraient pas retourner en arrière. Ça non, pour rien au monde. Elles ne voudraient pas retourner en arrière, et pourtant moi, je ne voudrais pas être à leur place.
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