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  • Photo du rédacteur Claire Brull

La vieille routarde: un modeste guide

Vu que personne ne m’aime, je voyage seule.

Je ne vais pas mentir, c’est parfois intimidant de circuler en solitaire, cernée par les familles ou les bandes d’amis dans un endroit parfaitement inconnu. A deux, à trois, à dix, on est plus fort. La présence de l’autre justifie la nôtre. Seule, on peut se sentir illégitime à occuper l’espace. Vous êtes impaire, vous plombez la symétrie : mais qu’est-ce que vous foutez là ? Les gens rient ensemble, commentent la beauté du lieu, s’exclament devant le coucher de soleil. Et vous restez parfaitement silencieuse.


Vous êtes seule, et paradoxalement, vous sentez que vous prenez trop d’espace : pour vous en convaincre, présentez-vous au serveur d’une terrasse bondée vue mer, et observez le froncement de ses sourcils tandis qu’il vous débusque la plus petite table disponible (une table de trois). Je vous mets au défi de déguster votre pitance sous les regards hostiles des gens qui attendent leur tour, injustement spoliés par vous et votre solitude obèse : ces chaises vides en face de vous leur reviennent de droit ! Il est facile de se sentir mal à l’aise quand on n’appartient pas au troupeau. Combien de fois ai-je accepté d’être la variable d’ajustement, et de céder ma place près du hublot pour me retrouver près des toilettes afin de ne pas désunir un groupe ? Bon, en réalité, une seule fois. Depuis, j’ai appris ma leçon. Maintenant, si vous le permettez, Me, myself and I aimerions admirer le paysage.




Soyons d’accord : j’ai conscience que ces considérations sont celles d’une bourgeoise gâtée qui a le privilège de voyager tandis que la terre ne cesse d’exploser. J’ai un bon emploi, je suis blanche, valide, mince… Je fais clairement partie des nantis , et mes petites lamentations, avouons-le, ont quelque chose d’obscène. Ainsi, si d’aventure vous vous sentez mal à l’aise en sirotant votre Mojito fraise en solo sur une plage des Cyclades, je vous suggère de répéter dix fois le mantra suivant : « Je suis une sale bobo ingrate ». Je vous jure que votre cocktail aura meilleur goût et ce sera donc le premier tip que je vous donnerai pour voyager seule l’esprit serein.


Ainsi, vous l’aurez compris : j’ai décidé que je ne laisserai pas la pression sociale, somme toute modérée dans ce cas de figure, m’empêcher de profiter du temps libre dont je dispose. J’ai quarante-quatre ans, je suis célibataire et sans enfant. Ce n’est pas pour autant que je dois rester recluse dans mon petit appartement à me morfondre devant le fil Instagram des autres. J’ai du temps libre, et le fric que je ne consacre pas à aux enfants que je n’ai pas mis au monde, j’en disposerai pour me faire plaisir.


Certes, il ne s’agit pas de fracasser sa tirelire non plus : vu que je ne vais pouvoir compter que sur moi-même pour financer mes années Ephad, il me faut tout de même budgéter. Lorsque l’on est jeune, voyager à moindre frais est plus facile. Il existe des structures pour vous faciliter l’escapade. À quarante piges et plus, on vous fera plutôt raquer. C'est le principe du site copines de voyages : vous payez le prix fort pour partir avec d'autres meufs qui n'ont d'autre point commun avec vous que d'être seules. Vu les tarifs, il vaut mieux que tout le monde s'entende, mais il paraît que l'amitié ne se commande pas. Je ne doute pas que cette formule puisse parfaitement convenir à certaines personnes. Mais personnellement je n'aime pas les voyages organisés, et surtout, je refuse que l'on se fasse du fric sur le dos de ma solitude. Si vous voulez allier convivialité et petit budget, pourquoi ne pas réserver un lit en auberge de jeunesse? Je vous entends ricaner derrière l'écran : non, merci, mais non merci. Pourtant, si comme moi, vous êtes assez agile pour vous hisser sur le matelas d'un lit superposé, vous pouvez tenter le coup : les établissements n’imposent en réalité pas de limite d’âge, à quelques exceptions près. D'ailleurs, j’ai testé pour vous ! Lors de mon dernier voyage à Londres en juillet, j’ai ainsi partagé une chambre avec trois autres voyageuses de vingt ans mes cadettes. L’inflation en Angleterre a vraiment explosé depuis le Brexit, et vu comment la perfide Albion joue avec les prix, Je n’ai pas vraiment eu le choix. Surprise : ce fut plutôt une bonne expérience, et je ne me suis pas pris de pierre à la tronche quand j'ai annoncé mon âge canonique à ma chambrée.



Il me semble important de le préciser : les jeunes ne mordent pas. Je sui s même pas convaincue que le fossé générationnel existe encore : je pense surtout qu‘en amitié, partager des valeurs communes est plus important que d’appartenir à la même génération. Peut-importe que vos nouveaux potes n’aient pas connu les joies et les vicissitudes du Minitel. Quoi qu’il en soit, si vous voyagez seule, autant vous dire que vous fraterniserez principalement avec des gens de moins de trente ans. Les couples et les familles ne chercheront pas à taper la discute avec vous et je ne sais pas où se trouvent les meufs seules de mon âge (je dirais, au choix : seules chez elles à caresser leur chat en scrutant le fil instagram des autres , ou bien dans un car avec leurs copines de voyage…)


Enfin, si malgré tout l’idée l’auberge vous rebute, il existe d’autres solutions plus économiques que le séjour en hôtel ou le voyage organisé .


-Louer son logement vacant sur AirBNB et financer une partie de son séjour avec le fric engrangé.

Je l’ai fait un certain nombre de fois, et cela rembourse une partie non négligeable des frais d’hôtel. Cependant, les revenus générés sont imposés et s’occuper à distance des ‘hôtes’ quand vous êtes vous-même en vacances peut devenir un casse-tête. Du coup j’ai jeté l’éponge. Mais nombreux sont mes amis qui continuent à le faire. A vous de voir.


-Louer une chambre dans un logement partagé (possible sur AirBnB, et sur Booking.)

C’est l’option que j’ai choisi plusieurs fois pour partir en en Espagne ou en Sicile, en août dernier : j’ai ainsi partagé un appartement avec d’autres hôtes, et nous disposions d’une cuisine commune, ainsi que d’un petit balcon. C’est un peu la colocation en voyage. C’est nettement moins cher que de louer une chambre d’hôtel, et plus convivial également. On se retrouve dans la cuisine, on partage un café, on s’échange les bons plans, les coins sympas à visiter.


-L’échange d’appartement.

Je vous écris de Barcelone, où je teste mon tout premier échange. Pour 160 euros par an, vous pouvez solliciter des gens à travers le monde entier (ou presque) qui mettent leur logement à votre disposition en échange du vôtre. Un petit ‘hic’ cependant : je ne dispose « que » de mon appartement parisien, ridiculement modeste en comparaison des villas en catalogue sur le site, mais cependant mon petit deux-pièces attise un peu de convoitise et j’attends avec impatience les Jeux Olympiques pour voir les propositions affluer. En tous cas, ce premier séjour chez l’habitant à Barcelone se passe à merveille, et j’ai déjà amorti mon abonnement.


Nous y sommes. Vous avez trouvé le logement, et bouclé la valise. C’est le premier jour de vos vacances et vous débarquez dans ce lieu inconnu. Peut-être que le soleil brille. Oui, le ciel est bleu, très bleu, et même le moche devient beau sous cette lumière pimpante. Autour de vous, les gens vaquent à leurs occupations. Tous ont un but, quelque chose à faire, et vous leur trouvez l’air fermé de ceux qui sont engagés sur leur trajectoire. Vous au contraire, affichez le sourire benêt de l’électron libéré. Vous êtes silencieuse au milieu du bruit, vous êtes immobile dans l’agitation, et vous maudissez vos bras ballants. Vous êtes perdue, désorientée, décontenancée. Vous vous sentez à la fois vide et trop pleine de vos pensées, trop consciente de votre personne… Limite parano.

Rassurez-vous, c’est normal, et il s’agit simplement de la retrouver, votre contenance. Alors, comment faire ? Encore une, fois j’ai testé pour vous…



La première fois que je suis partie seule en voyage, cela ne fut pas par choix. Mes amies se sont casées au moment où je me suis séparée et j’ai été contrainte à la solitude. A ma grande surprise, j’ai beaucoup apprécié l’expérience. Je me suis découvert un côté contemplatif que je ne connaissais pas, moi qui suis plutôt extravertie de nature. Depuis cette première expérience, j’aime prendre possession d’un lieu en déambulant dans les rues ou sur les routes, le casque sur les oreilles, plongée dans une petite bulle musicale. J’exerce un métier fondé sur les interactions sociales et je me suis rendue compte que ces flâneries solitaires me permettaient de recharger ma batterie sociale. Si comme moi, vous êtes aussi d’un naturel anxieux, une playlist adéquate, ou même les podcasts que vous n’avez pas eu le temps d’écouter, peuvent vous aider à maîtriser le flot de vos pensées. Cet été, une multitude de voix m’ont accompagnée dans mes pérégrinations.


En vacances, j’emporte également mes passions portatives. Pour moi, c’est l’écriture, la danse et le sport, mais pour d’autres, cela peut-être le dessin, le yoga, la lecture, ou même regarder Netflix sur sa tablette. J’aime me ménager un peu de temps pour pratiquer ce que j’aime, comme je le fais chez moi. Même si j’apprécie de perdre mes repères pendant un certain temps, j’ai besoin des activités qui rythment mon quotidien d’habitude et de réinjecter un peu de normalité dans le dépaysement.


Enfin, je suis consciente que tout le monde n’a pas envie de se reconnecter à son ermite intérieur. Si affronter votre solitude en voyage vous semble insurmontable, voici des pistes qui vous permettront de bourlinguer en solo mais pas trop.

Tout d’abord, quand je pose mes valises quelque part pour quelques jours, je repère le bar où j’irai y prendre mon café le matin, ou l’apéro le soir. Je trouve que c’est la façon la plus organique de rencontrer les gens du coin. Vous n’êtes pas là pour longtemps, mais dès le deuxième jour, vous devenez vous-même un habitué. Vous avez choisi ce bar : cela prouve que vous avez bon goût. Le serveur vous reconnaît, et les gens du coin engagent la conversation. On vous questionne : vous venez d’où ? Pourquoi êtes-vous là ? À votre tour, vous interrogez les gens sur les endroits à découvrir, vous sollicitez leurs conseils. Au troisième jour, vos nouveaux amis voudront savoir ce que vous avez pensé de leurs recommandations. Je suis bretonne, et le troquet local est le pilier de ma culture… Cependant il semble que ce soit également le cas à Brooklyn, Londres, Paros, Cadix, Trinidad, Trapani. Attention cependant à bien choisir votre nouveau rade : restez loin des grosses usines à touristes, et visez petit, local, convivial, où votre petite tête allogène sera repérée direct.


Enfin, si malgré tout, l’idée de partir seule à la rencontre des autres vous paralyse plutôt qu’elle ne vous excite, planifiez votre voyage à l’avance. Utilisez les réseaux sociaux, explorez les forums de voyage. Meet up, par exemple, est une plateforme internationale où des losers esseulés comme vous proposent des activités et des sorties auxquelles n’importe qui peut s’inscrire. Et c’est gratuit! Et puis, si vraiment la soirée craint, invoquez le jet lag ou simulez une tourista et rentrez chez vous.

Vous pouvez aussi vous rencarder sur les activités que vous pourrez faire sur place : cours de cuisine locale, yoga sur la plage, visite guidée d’un quartier antique, les idées ne manquent pas. Plus l’endroit est touristique, plus vous aurez le choix. A l’inverse, si vous optez pour une destination confidentielle, il vous faudra vivre comme les locaux. Deux salles, deux ambiances … Honnêtement, ce sont deux expériences différentes mais qui ont chacune leurs attraits. Le piège cependant : choisir une destination familiale ou romantique pour son premier voyage en solo. Santorin, par exemple, est une île magnifique, mais les roucoulements incessants des couples en goguette risquent de vous filer mal au crâne. Prenez le ferry : Ios et ses promesses de débauche vous tendent les bras.


Le ciel est bleu, très bleu et le soleil éclatant opère sa petite magie sur les ruelles environnantes. Les vieux murs édentés vous regardent avec un sourire radieux et vous font cligner des yeux. Vous avez fêté vos quarante ans il y a un mois ou il y a dix ans, que sais-je. Votre dernière histoire ne s’est pas très bien terminée, ou bien vous vous êtes quittés bons amis, mais depuis vous n’avez rencontré personne. Vos amis, ceux de votre enfance, ceux de la fac, vos collègues des débuts, passent l’été dans le sud avec la belle-famille – ou en camping dans le Finistère nord (petite pensée émue pour eux). Aucun scénario n’a été écrit pour vous ? L’aventure peut commencer.






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